Page:Rocheblave - Pages choisies des grands ecrivains - George Sand.djvu/36

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très supérieurs à elle-même, mais elle reste ce qu’elle est. Lamartine lui-même et Michelet, dont l’éloquence est voisine de la sienne, ne lui sont de rien. Elle est devenue ce qu’elle est par elle-même. Ainsi, soit par ce qu’il attire, soit par ce qu’il repousse, cet esprit toujours en quête de matière poétique nous apparaît toujours personnel dans son activité, toujours identique à lui-même et toujours logique dans son long épanouissement. C’est une force naturelle qui va toute seule jusqu’au bout de son énergie.

Où tendait cet esprit ? De lui-même il tendait vers un monde idéal où le bonheur des hommes découlerait de sa double source naturelle, la justice et la charité. Mais pour atteindre à ces hauteurs sereines il fallait traverser la région des tempêtes ; George Sand l’a traversée. Son œuvre ressemble à ces jours d’orage où se succèdent nuages menaçants, coups de foudres, vents furieux s’apaisant en accalmie graduelle, en attendant que le soleil humide sourie plus brillant à travers l’arc-en-ciel. Elle est partie de la révolte contre l’institution sociale ; elle s’est déchaînée contre cette institution tant que celle-ci paraissait solide ; quand elle a vacillé, elle a tâché de la consolider sur des bases nouvelles ; mais ces bases croulant à leur tour, elle s’est avisée qu’il valait mieux mettre dans les cœurs ce qui ne pouvait passer encore dans les lois, et que le grand obstacle n’était pas dans les gouvernements, mais dans les âmes. Et alors, reportant les yeux sur cette nature qui ne passe point parmi tout ce qui passe, elle a découvert ce type de sagesse et parfois d’humanité