Page:Roches - Oeuvres.djvu/116

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
101
DE M. DES ROCHES.


Vrayement ie reprendrois voſtre œil de trahiſon,
Mais ce n’eſt pas bien faict que d’accuſer ſon maiſtre,
C’eſt faict encore pis de receler vn traiſtre
Et le tenir enclos en ſi douce priſon.
Charite voz beaux yeux, ſeigneurs de ma raiſon
Cachent amour dans eux, le tirant y veut eſtre
Afin d’eſtre plus ſeur, plus fort, & plus adextre,
Receuant la faueur de ſi belle maiſon.
Apres qu’il m’a tiré mainte & maintes ſagettes,
Apres qu’il m’a lancé maintes flames ſecrettes
Ie meurs & repren vie au braſier allumé :
Ainſi l’vnique oiſeau qui brule dans ſa flame
Reprend corps de ſon corps, & ame de ſon ame.
Renaiſſant par le feu qui l’auoit conſommé.

Ma nef au gré des vens dedans l’onde pouſſee
Erroit de toutes parts, quand voſtre heureuſe main,
Piteuſe de mon mal, me retira ſoudain,
En me ſauuant des flotz de la mer courroucee.
Follement aueuglé d’vne erreur inſenſee,
Monſtrant que la raiſon m’eſtoit donnee en vain,
Ie me laiſſois guider d’vn erreur incertain
Lorsque voſtre bel œil arreſta ma penſee.
Maintenant ie mourrois en mon cruel tourment,
Mais de voz doux propos le doux enchantement
De cet aſpre douleur promptement me delie.
Ainſi le ſainct honneur de voz perfections,
Conduiſant ſagement toutes mes actions,
Commande ſur mes ſens, mes penſers, & ma vie.