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Page:Rod - L’Innocente, 1897.djvu/148

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IX


Deux ans passèrent, sans amener aucun changement brusque dans cette situation effroyablement monotone. Que d’épisodes je pourrais ajouter à ceux que je t’ai racontés déjà, presque tragiques dans leur insignifiance ! Mais ce serait toujours la même chose : les pierres que les bourreaux lançaient contre leur victime se ressemblaient toutes ; le sang des blessures ne changeait pas de couleur. M. Marian vieillissait, blanchi maintenant, courbé, pareil à un prisonnier de guerre qui a traversé vingt batailles, toujours épargné par les balles, mais à qui l’ennemi ne fera pas grâce. Anthony grandissait, poussant en asperge, tout de longueur, avec des traits étirés, un regard triste, une nonchalance d’allures qui semblait trahir une continuelle lassitude. Je continuais à le voir deux ou trois fois par semaine, ce qui me valait toujours des querelles avec mes autres camarades. Deux enfants ne peuvent vivre ainsi rap-