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Page:Rod - L’Innocente, 1897.djvu/176

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désespoir, trop profond pour se manifester, qui prend l’apparence de la résignation, une chute de l’être dans le trou soudain creusé par la destinée, sans plaintes, sans paroles, sans larmes, l’effondrement irrémédiable d’une pauvre vie qui ne se gouverne plus. Le matin de ce jour des obsèques où la ville l’attendait, la comtesse Micheline s’était habillée, parce qu’on lui avait dit que le moment approchait, qu’on viendrait tantôt chercher la chère dépouille, et qu’il faudrait l’accompagner ; elle ne put pas, simplement. Elle n’avait plus de forces. Au moment du départ, un évanouissement prolongé l’abattit sur le sol, où je la vis s’affaisser, comme si ses membres se disjoignaient. Sur l’avis de mon père, le cortège se mit en route quand même, la laissant seule avec mes parents, dans le grand château vide.

Plus tard, deux ou trois heures après la cérémonie, quelques personnes, dont Mme d’Ormoise, vinrent chez nous aux nouvelles. J’étais seul avec ma mère qui les reçut sans empressement. Elles caquetèrent longtemps, emplissant la maison du bruit de leurs questions qui ne tarissaient pas.

— Est-ce que l’évanouissement s’est beaucoup prolongé ?

— Est-ce que le docteur croit qu’elle sera gravement malade ?