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Page:Rod - L’Innocente, 1897.djvu/191

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dans le roman dont l’imagination de la ville avait fait les frais. Un drame très simple, dont la douleur tissait la trame, s’était déroulé dans le vieux château ; seule, la malignité des gens y avait introduit la faute et la honte. Ne crois-tu pas que cela se passe bien souvent ainsi ? Nous avons tant de peine à nous résigner aux misères de notre sort, que nous sommes enclins à en charger notre responsabilité : quand nous voyons un grand malheur autour de nous, notre premier mouvement n’est-il pas de conclure que les victimes en sont aussi les artisans ?


J’avais écouté ce long récit avec un vif intérêt. Comme Philippe se taisait, je levai les yeux sur le portrait qui me l’avait valu. Je le contemplai longuement : il ne me parut plus aussi détestable. Mon ami le regardait aussi, les yeux attendris. Je dis :

— C’était une douce figure.

Avec un léger tremblement dans la voix, Nattier ajouta :

— Une âme plus douce encore… une pauvre victime !

En rappelant ses souvenirs du fond de leur passé, son récit l’avait incliné à ces réflexions générales qu’il affectionnait ; car, après un silence, il reprit :

— Laisse-moi te dire encore que, vers