Aller au contenu

Page:Rod - L’Innocente, 1897.djvu/23

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Oui, me dit-il, je sais que tu aimes les vieilles choses. Eh bien, mon cher, je t’en montrerai !

Dès que j’eus achevé de me rafraîchir, en effet, il voulut me faire les honneurs de sa maison. Elle était spacieuse, avec de larges corridors, des murs épais comme ceux d’une forteresse, des fenêtres pittoresques, des balcons. Cependant l’impression de bien-être que m’avait fait éprouver, en arrivant, la pureté de l’air, se dissipait à mesure que je contemplais les divers aspects du paysage. Philippe m’en indiquait les détails : un ruisseau, tout argenté d’écume, serpentant dans les champs, la profondeur intense d’un bois voisin, les lignes sombres des montagnes, leurs sommets encore blancs de neige. Toutes ces choses dégageaient je ne sais quelle âpreté, qui me faisait penser au visage de la vieille Madeleine. Je me sentais prêt à les admirer, mais sans aucune sympathie. Et, comme je ne pus m’empêcher de trahir ce sentiment, Philippe, un peu déçu, s’écria :

— Eh bien, moi, je l’aime ce pays ! Oui, je l’aime tout de bon. Je l’aime à tel point que, pour peu que je m’en éloigne, j’y suis bien vite ramené par une insupportable nostalgie. Que veux-tu ? Il y a accord entre nos âmes et les lieux où nous avons beaucoup vécu. J’ai trop rêvé le long de ces routes, sous ces sapins, au