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Jeanne (les yeux fixes, comme hallucinée).

Ah ! c’est toi, Marcel, je sentais que tu revenais, que tu étais là !… (vivement) mais, au fait, pourquoi reviens-tu ?

Chantreuil.

Le sais-je ? Demande-moi pourquoi je suis parti. Je m’en suis allé machinalement ; j’ai marché, j’ai couru, j’ai crié dans le noir, dans la nuit ; et soudain je me suis retrouvé devant ta porte, parce que cela devait être, parce que tous les chemins me ramènent à toi, parce qu’il ne se peut pas que nous nous quittions ainsi ! nous nous sommes tant aimés !.. parce que je t’aime encore !.. toujours !.. j’étais mauvais… j’étais bête, j’étais fou d’en désirer une autre… mais je la hais, celle-là… je ne la veux pas, je ne l’ai jamais voulue !..

Jeanne.

Comment veux-tu que je te croie encore ?

Chantreuil.

Si ! tu me crois ! c’est tantôt que tu ne me croyais pas, quand je parlais d’adieux !.. Est-ce qu’on délie les âmes ? Jeanne, tu es ma seule… ton rêve c’est mon rêve, ta vie sera ma vie… une vie intime…

Jeanne (comme extasiée).

Oui ! ce sera doux, doux !.. un salon tranquille… on jouera du Chopin, en sourdine, pour ne pas éveiller l’enfant, notre enfant… car je ne t’ai pas dit, il viendra… je n’avais pas voulu te le dire !

FIN.