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comme une coupable… — Je m’en irai ! je voyagerai.

(elle ouvre le piano brusquement et, d’une voix nerveuse chante :)


Le papillon inconsistant
Saupoudré d’or et d’étincelles
Qu’on croit voir fondre à chaque instant
N’est que le rêve de deux ailes…


(rêveuse) J’ai eu tort de me fâcher, on ne doit pas se quitter ainsi lorsqu’on s’est tant aimés… il ne reviendra plus… tout est brisé… la messe du cœur est dite… et l’autre, il n’y tient même pas… (jouant machinalement le thème de la romance d’un doigt, très lentement.) Il me semble que je l’aurais compris, moi, et cette vie intime qu’il rêve, je la rêve et je la vois… les soirs d’hiver un salon tranquille… nous causons doucement… nous jouons du Chopin en sourdine… pour ne pas éveiller l’enfant qui dort dans un fauteuil… (un silence, puis très tristement) :

L’amour qui sait subtiliser
Les plus chastes, les plus farouches
Dans l’enivrement du baiser,
N’est que le rêve de deux bouches.


(Chantreuil entre sans bruit pendant qu’elle chante).


SCÈNE VI.
Jeanne, Chantreuil.


Chantreuil.


Oh cette romance… comme elle pleure !… comme elle ressuscite le passé !… Jeanne !