Page:Rodenbach – La Vocation, 1895.djvu/150

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

lui ; il les sentait adhérer à sa peau, vivre, ouvrir leurs écrins… Même hors de sa présence, quand il était seul, quand il s’enfermait dans sa chambre, les deux grands yeux l’accompagnaient. Il était entre eux comme entre deux cierges implacables. Ce qui l’effrayait le plus, c’est d’être suivi par eux jusqu’à l’église… Quand le prêtre, avant la messe, traçait le signe de croix avec un grand saint-sacrement, au lieu de l’hostie pâle, c’est un vaste œil bleu, l’œil d’Ursula, qui lui apparaissait captif et sous verre. Hantise quotidienne et permanente désormais ! La nuit aussi, il les revoyait, les beaux yeux étalés à côté de lui, déformés dans toutes les fantasmagories du rêve. Hans, tout à coup, sent ses cheveux blonds croître sur l’oreiller, s’agrandir aux proportions d’un champ, d’une immense moisson mûre, avec, dedans, deux seuls bleuets, les yeux d’Ursula, si cachés, si perdus, mais qu’il lui faut à tout prix découvrir avant le jour. Puis un obscurcissement brusque… Et les