Page:Rodenbach – La Vocation, 1895.djvu/149

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tout quand Ursula l’avait aimanté plus longuement de ses regards volontaires. Toujours ces yeux qui voyageaient, abolissaient l’espace entre elle et lui, se posaient sur son visage, titillaient ses mains, entraient dans ses propres yeux, baisaient sa bouche et semblaient se glisser jusque sous ses vêtements, butiner son cœur, piller, caresser, brûler, câliner, et tatouer toute sa chair !

Qu’est-ce donc qu’elle lui voulait ? Qu’était-ce que cette femme étrange, arrivée un matin chez eux, si peu de son emploi, semblait-il, trop distinguée vraiment, comme si elle avait pris un prétexte pour l’approcher, jeter en lui cette inquiétude, ce trouble d’un jardin avant l’orage, quand le vent enfle les arbres ? Il commençait à sentir le sortilège, mais sans pouvoir s’y soustraire. En vain avait-il résolu de ne plus regarder Ursula, de se détourner avec soin de l’embûche de son visage ; il subissait néanmoins, à travers l’air, l’insistance de ses yeux. Toujours les yeux d’Ursula étaient sur