Page:Rodenbach – La Vocation, 1895.djvu/164

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gré elle, la vivre en reflets. À travers la distance, tout recommença en elle. Mme Cadzand tremblait, avait horreur ; et cependant elle sentait que quelque chose de sacré s’accomplissait. L’entrée en amour est aussi comme une ordination. Certes, ce n’était pas la divine union consentie qu’elle avait rêvée pour lui dans les bras de Wilhelmine. Mais la chair a son secret. Mme Cadzand s’était trouvée d’abord choquée, scandalisée ; mais qui sait si la passion n’a pas raison contre tout ce que nous nommons avilissements, chutes, mésalliances, et qui ne sont peut-être que des préjugés de castes, d’éducation, d’hérédité. La nature crée des couples sans s’occuper de leurs antécédents. On ne choisit pas. La fatalité accorde, lie, dénoue. Est-ce que le vent ne mêle pas et ne fait pas se baiser au hasard les roseaux des rives ? Toutes les créatures sont semblables dans la nudité de l’amour comme dans la nudité de la mort. L’amour, autant que la mort, égalise !

Mme Cadzand y songea, surtout que,