Page:Rodenbach – La Vocation, 1895.djvu/180

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Puis une autre crainte la hanta. Peut-être a-t-il décidé de partir, de fuir le péché et la tentation de la demeure ? Elle bifurqua aussitôt et se dirigea vers la gare. Hans n’y était pas, nul train n’avait passé, dans l’intervalle, pour la direction redoutée. Mme Cadzand se retrouva dans la rue, recommença à errer ; la pluie persistait, la mouillait toute, bleuissait les trottoirs, accumulait, entre les pavés, comme des bénitiers de larmes.

Sensation qu’on a, dans la pluie, de se trouver errant, en fuite et en ruine ! de n’être plus qu’une feuille salie de l’Arbre de la vie, de se recroqueviller, d’être en proie à l’automne, de rouler à la mort !

Mme Cadzand marchait, machinalement maintenant, avec l’impression qu’elle aurait marché jusqu’au bout de la journée et jusqu’au bout du monde. Et les idées volaient dans sa tête. Tout cela était arrivé par sa faute : elle avait défié Dieu, à vouloir lui disputer son fils ; elle fut vraiment égoïste et ne songea qu’à elle-même.