Page:Rodenbach – La Vocation, 1895.djvu/193

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elle est malheureuse, regrette, se sent en faute d’avoir osé disputer son fils à Dieu. Elle ne pouvait pas vaincre Dieu. Et aujourd’hui elle demeure plus effarée que d’une défaite devant son apparence de victoire. Elle reconnaît qu’elle a gâté la vie de Hans et même la sienne. Il valait mieux savoir son fils heureux loin d’elle que le voir malheureux près d’elle.

Hans en effet est inconsolable de sa vocation manquée ; il s’est cloîtré dans la vieille demeure de la rue de l’Âne-Aveugle où son existence est moins laïque qu’ecclésiastique ; il vit en dehors du monde, solitaire comme un ascète, dépris de tout, ne sortant qu’une fois par jour avec sa mère pour aller à la messe de huit heures à Notre-Dame…

Et c’est ainsi qu’on les voyait passer chaque matin à la même heure (enviés des mères, qui ne devinaient rien !), parmi la brume d’aube qui se clarifie, longeant les vieux quais, d’une marche amortie, et si étrangers à ce qui n’est pas leur âme que même les cygnes