Page:Rodenbach – La Vocation, 1895.djvu/8

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tenu dans de miroitantes cruches de cuivre, clairs de lune de ces brouillards. Car la brume se clarifiait si lentement, brume du nord qui se désagrège, crépuscule d’aube d’une pâleur mortelle.

Bruges avait l’air d’une ville-fantôme. Les arbres des quais, les hautes tours renonçaient, réconciliés par la même mousseline. Brouillard opaque, et sans nul interstice ! Le carillon lui-même paraissait devoir s’évader, forcer un préau de ouate pour être libre dans l’air, atteindre les pignons sur lesquels, tous les quarts d’heure, les cloches répandaient, comme feuille à feuille, un mélancolique automne de musique.

Hans Cadzand et sa mère marchaient au long des canaux, en groupe muet, taciturnes. Elle était toujours habillée d’étoffes foncées ; lui vêtu de noir, avec on ne sait quoi de démodé, de hors du temps dans la coupe sévère de ses habits, quelque chose d’hermétique et d’un peu ecclésiastique. Il apparaissait jeune encore, plutôt en deçà de la trentaine, d’une noblesse de visage qui éblouissait ; et on s’étonnait qu’il fût si