Page:Rodenbach – La Vocation, 1895.djvu/91

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sait plus. Mais dans cette causerie sans lampe il semblait que de l’obscurité se mettait aussi sur les paroles. Sa voix se fonça. Étrange influence de l’ombre, l’ombre qui est religieuse, et fait qu’on parle bas comme dans une église.

Sans rien dire qui fût intime ou confidentiel, car elle n’avait pas encore d’aveu à faire et nul amour ne naissait, Wilhelmine mit par degrés des sourdines à sa voix. Or, de parler bas, il semble qu’on ait un secret ensemble, — et c’est pourquoi tous ceux qui s’aiment parlent bas.

Aussi Mme Cadzand qui, de l’autre pièce, avait épié la causerie des deux jeunes gens, de plus en plus assourdie, ouatée, jusqu’au brusque réveil des lampes allumées, ne douta pas ce soir-là que son plan aboutirait. À son départ, Mme Daneele, dans le grand corridor, l’embrassa, mais fut toute surprise de lui sentir la voilette mouillée, les joues humides…

— Qu’as-tu ? Tu as pleuré…

— Non !… rien !… Puis, avouant :