Page:Rodenbach – La Vocation, 1895.djvu/94

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que secousse, même la secousse délicieuse de l’amour, il s’en propage des cercles de sensibilité, des moires d’eau troublée, jusqu’à la chair sensitive des mères.

Mme Daneele devinait, éprouvait l’amour naissant de Wilhelmine. Des riens : une rougeur, la préférence d’un livre, un goût de la solitude, le choix d’une romance au piano, des larmes sans cause, lui étaient des signes… Hans ne se déclarait pas. N’importe. Mme Daneele ne demandait pas mieux pour le moment. Sa fille était trop jeune. Est-ce qu’on se lie pour toujours à dix-sept ans ? Elle préférait la voir sortir un peu, fréquenter le monde, ne fût-ce qu’un hiver.

Les fêtes sont rares à Bruges ; mais, chaque année, le gouverneur donne un grand bal qui rassemble les personnages officiels, la haute société de la province. La vieille noblesse y assiste, parée de dentelles immémoriales, d’antiques bijoux contemporains des temps de gloire, quand une