Page:Rodenbach - L’Élite, 1899.djvu/126

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poirs, pour cette âme nostalgique et trop sensible. Fragile âme blanchie, d’un blanc frileux et qui vite s’écroule en pleurs, comme la gelée, en hiver, sur les vitres. Pourtant Valmore fut plus forte que la douleur et le malheur. Elle avait adopté une sûre défense, ce mot céleste, pour sa devise et son cachet : « Credo, je crois. » Ce que Sainte-Beuve toujours un peu malicieux traduisait ainsi : je suis crédule.

Eh bien ! non ! Elle crut vraiment. L’amante devint chrétienne. Dans la Sapho se leva une sainte Thérèse. Celle qui avait eu des cris de passion trouva des hymnes de foi. Elle reporta à Dieu tout l’amour qu’elle avait égaré sur les créatures et les choses d’ici-bas, dont plus aucune dorénavant ne l’attirait et ne la valait.

« Tous mes étonnements sont finis sur la terre », soupire-t-elle avec mélancolie.

Encore un temps, elle reste imprégnée de l’ancien amour profane. Déçue dans ses affections terrestres, elle s’en retourne à Dieu avec les mêmes lèvres et les mêmes incantations amoureuses. On la dirait maintenant l’amante de Dieu. Est-ce que Sainte Thérèse aussi ne parlait pas à Jésus comme à un bien-aimé ? On connait ses mystiques effusions si passionnées : « L’amour que je t’ai voué me meut tellement que, n’y eût-il pas de ciel, je t’aimerais et n’y eût-il pas d’enfer, je te craindrais. Je