Page:Rodenbach - L’Élite, 1899.djvu/151

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tant où Victor Hugo, lui aussi frappé par la politique, allait commencer ses chefs-d’œuvre.

Lamartine maintenant aurait pu écrire son Livre de Job ; mais, lui, manqua de loisirs parce qu’il manqua d’argent. Il fallait de la prose solide et marchande. Plus d’épisode nouveau pour faire suite à Jocelyn et à la Chute d’un ange, ni les Pécheurs annoncés, ni l’autre fragment sur la vie religieuse dans le cadre de la Judée.

Et pas non plus ce retour sur les œuvres anciennes qu’il avait appelé lui-même des « improvisations poétiques » et promis de « polir à froid ».

Vain espoir ! l’homme, pas plus que l’Océan ne peut revenir sur ses traces et retoucher ce qu’il a laissé derrière lui.

C’est tout polis que la mer jette au rivage ses galets après les avoir longtemps roulés dans ses marées.

Au contraire toute l’œuvre de Lamartine fut hâtive, d’une forme lâchée. Aussi, dans ses préfaces, redoutait-il lui-même le dédain des délicats. Il n’ignorait pas non plus les caprices fantasques de la vogue, l’effrayante mobilité des goûts littéraires qui démodent vite les œuvres. Surtout pour celles qui appartiennent plus au passé qu’à l’avenir. Il y a des poètes qui ouvrent une époque et une poésie, tel Victor Hugo. Au contraire Lamartine ferma une époque. Il résume