Page:Rodenbach - L’Élite, 1899.djvu/152

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Piron, Millevoye, Lebrun, Soumet, tous ces poètes intermédiaires, non sans talent, qu’il continue en somme, mais absorba dans son rayonnement. C’est en ce sens que Rivarol a dit : « Le génie égorge ceux qu’il pille. »

Mais tout en craignant pour l’avenir, il se consolait en affirmant : « Il y a des anniversaires d’idées dans la vie des siècles. » Et, en effet, on a pu assister, ces dernières années, à un renouveau de sa gloire, qui sans cesse recommencera par intervalles. Car la forme de sa poésie est sans date. Elle est classique et elle est moderne. La langue est large, peu raffinée et vaut moins par le choix des mots que par un rythme général. Or c’est par le vocabulaire d’abord qu’une poésie se démode. Celle-ci est toute de musique. Elle se borne à de grands planements.

Quant au fond, elle s’en tient à ce qu’on peut appeler les lieux communs de l’humanité : la nation, l’amour, la religion, la douleur, mais on peut dire aussi que ces thèmes sont ceux de l’âme elle-même, l’âme éternelle, la Psyché nostalgique et vagabonde, et qu’un poète se haussant jusque-là émouvra davantage et avec plus de durée qu’un poète exprimant seulement les sensations personnelles et fugitives de sa seule âme ou de ses nerfs.

Qu’importe d’ailleurs pour Lamartine si, des