Page:Rodenbach - L’Élite, 1899.djvu/187

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des « romans parisiens ». Toujours le même décor emphatique et tumultueux. La petite ville vaut mieux. Quoi de plus charmeur et quelle douce résonnance rien qu’en ces mots : « Le mail… Les ormes… L’orme du mail… » ? C’est toute la province, plus intime et combien plus intense. Sur les pavés nets, dans les rues vides, les pas sonnent, les voix résonnent. C’est un signe. Les idées aussi, les passions sont plus vives de naître en ce silence. Elles atteignent dans la vie de province leur maximum d’exaltation. La plupart des cerveaux, là, somnolent. Ils sont à l’image de la ville. Ils sont la ville elle-même. Et les quelques-uns qui pensent, vivent d’une vie intellectuelle ou passionnelle, y font un bruit de rares passants dans une cité muette.

C’est le cas du préfet Worms-Clavelin, de M. Bergeret, de M. de Terremondre, de l’abbé Guitrel, et des autres qui s’agitent pour de minimes intrigues, de banales passions. Qu’il s’agisse des ambitions de l’abbé Guitrel au sujet de l’épiscopat, ou des misères conjugales de M. Bergeret, tout cela prend son importance et son acuité de la vie de province, de la vacuité qui est autour. Nulle ville n’est nommée. Et tant mieux. Il ne s’agit pas de roman. Ceci est vraiment de l’histoire, l’histoire contemporaine des mœurs en province. Partout il y a un abbé