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Page:Rodenbach - L’Élite, 1899.djvu/200

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des monuments jolis, des maisons de rapport où vivent un grand nombre de personnages.

Voici que M. Pierre Loti n’eut pour maître que le Voyage.

Engagé à dix-sept ans sur le Borda, tour à tour aspirant, enseigne, lieutenant et capitaine aujourd’hui, il dériva, durant vingt-cinq ans, dans les mers reculées, vécut parmi les terres calcinées, les végétaux hostiles, les cultes sans âge. Un peu d’action parfois, d’odeur de poudre, de taches de sang, comme intermède à l’opium énervant d’une telle vie : le combat de Hué, les engagements du Tonkin. Puis un recommencement de longs mouillages, les océans vides, de courtes idylles étranges avec telle femme un peu animal, un peu idole.

On comprend vite que, rien qu’à raconter ces choses, il était facile d’intéresser et d’émouvoir.

C’est déjà ce qui fît le charme et le succès rapide de Bernardin de Saint-Pierre, l’inventeur du genre. Il écrivait dans l’avant-propos de Paul et Virginie : « J’ai tâché d’y peindre un sol et des végétaux différents de ceux de l’Europe. Nos poètes ont assez reposé leurs amants sur le bord des ruisseaux. J’en ai voulu asseoir sur le rivage de la mer, au pied des rochers, à l’ombre des cocotiers, des bananiers et des citronniers en fleurs. »

Or on rapporte, au sujet de Bernardin de