Page:Rodenbach - L’Élite, 1899.djvu/248

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trouve-t-on pas ici encore, et à son insu, le peintre aux influences scientifiques ?

Mais M. Besnard n’a pas besoin, pour être coloriste, de ces motifs éclatants. Il l’est autant avec du blanc et du noir, à preuve qu’il commence ses portraits par une grisaille ; à preuve aussi ses eaux-fortes qui forment une collection admirable, d’une imagination neuve, d’une lumière aiguë, d’une facture subtile et large ; telle sa série d’illustrations pour le livre intitulé La Force psychique.

Car il fait de l’illustration comme il fait de la peinture monumentale, du portrait, des paysages, des animaux, des vitraux, des eaux-fortes. Sans doute qu’il aurait même fait de la sculpture, sans un scrupule de délicatesse et pour ne pas entrer en joute avec Mme Besnard, qui est un statuaire subtil et puissant. Toutes ces formes alternatives sont indifférentes et familières à ce peintre qui est aussi un grand artiste, c’est-à-dire un homme d’idées générales, de sensations cérébrales et nerveuses, d’imagination universelle, et qui entend se servir de tous les moyens d’art pour exprimer sa pensée ou son rêve.

N’avions-nous pas raison de dire, par conséquent, qu’il était le contraire de ces spécialistes, dénoncés par Baudelaire, et de lui appliquer le jugement prononcé sur Delacroix : « Lui aimait tout, savait tout peindre. »