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SOIRS DE PROVINCE.


Là, l’Église Souffrante en voiles violets !
Puis les martyrs chrétiens portant de grandes palmes
Avec les bienheureux du paradis si calmes
Qui glissent sous leurs doigts les grains des chapelets !

L’Église Triomphante est soudain apparue
En rose, tout en rose, en tulle rose et clair,
Couleur de renouveau fleuri, couleur de chair,
Comme un lever d’aurore incendiant la rue.

Puis voici les abbés en dalmatiques d’or,
Les chanoines songeurs dans leurs camails d’hermine,
Tout un cortège grave et lent qui s’achemine
Dans le silence doux du beau jour qui s’endort.

Et tout là-bas, parmi les bleuâtres traînées
Du liturgique encens qui parfumait le soir,
Devant le baldaquin où luisait l’ostensoir,
Les encensoirs volaient, mouettes enchaînées !

Et l’évêque, debout sur le peuple chrétien,
Crosse en main, mitre en tête, élargissait ses gestes,
Comme un semeur jetant, pour les moissons célestes,
Les graines du Seigneur dont il était gardien.