Page:Rodenbach - La Mer élégante, 1881.djvu/20

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manière d’être, de penser, de rêver, même d’aimer ! Et c’est par là que l’art se renouvelle ! Et pour l’art se renouveler c’est vivre, l’imitation étant sa mort !


L’influence scientifique et positive est un air ambiant ; elle a modifié l’état d’esprit même des ignorants ; il est certain que la poésie elle-même doit répondre à ce changement profond.


Le scepticisme a épuisé certaines façons ardentes de regretter et d’espérer sans croire, comme la foi certaines exaltations dans le vague. Un besoin de précision est dans tous les cerveaux. Quel mal y voyez-vous ? l’art y perdra-t-il ? il ne perdra rien, à aucun changement dans l’état de la vie, tant qu’il y aura de la vie ! Et pour cela — qui le nie ? — l’art doit trouver sa forme nouvelle, correspondante aux nouvelles idées. Rien de plus vrai ; à toutes les époques il en a été ainsi, sans qu’on s’y soit efforcé péniblement. Dans tous les siècles il a suffi à l’artiste d’être de son temps.


Rêvez en hommes qui savent, poètes modernes ; imaginez du vrai ; prenez au réel ce qu’il a de beau, comme le chercheur d’or qui recueille difficilement dans la fange une poussière merveilleuse ! — Pour que les fictions intéressent, il est de plus en plus nécessaire qu’elles soient faites avec de la vérité et du naturel. De cette nécessité nouvelle toute une certaine poésie est morte. Elle avait discrédité les