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Page:Rodenbach - La Mer élégante, 1881.djvu/34

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L’Océan qu’on prendrait pour un grand cimetière
Car de loin chaque flot semble un tombeau de pierre
Qui recouvre un marin noyé !

Non ! c’est la mer du Nord, la mer brumeuse et glauque
Qui berce avec sa voix exaspérée et rauque
Ses bruns enfants, les matelots ;
La mer du Nord qui vient en chantant vers la Flandre
Pour la baiser, comme un amant fougueux et tendre,
Avec les lèvres de ses flots.

C’est elle que je veux chanter : ses dunes blondes,
Ses mouettes formant sur les vagues profondes
Un archipel de blancs îlots ;
Et ses barques de pêche inclinant leurs voilures,
Et ses baigneurs joyeux mêlant leurs chevelures
Aux longues crinières des flots !

C’est elle ! c’est la mer du Nord ! la sœur jumelle
De la terre de Flandre, indomptable comme elle ;
Sur leur double horizon mouvant
— Dès que la nuit s’enfuit dans son manteau d’étoiles —
La barque et le moulin livrent tous deux leurs voiles
Au souffle impétueux du vent.