Page:Rodenbach - La Mer élégante, 1881.djvu/89

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L’enfant, faible et perclus, marchait sur des béquilles,
Et les petits garçons et les petites filles
En les voyant cessaient leurs jeux pour un moment,
Et tous deux s’asseyaient mélancoliquement
Devant les flots nacrés qui mourraient sur la grève !…

Ô douleur ! rester là tout entier à son rêve
Sans bouger, sans courir par ces matins d’été
Où les autres enfants libres, pleins de gaîté,
En toilette légère et du soleil dans l’âme,
Font flotter derrière eux comme une blonde flamme
Leur faisceau de cheveux dénoués par le vent ;
Tandis que tous jouent là sur le sable mouvant
Une pelle à la main, de l’eau jusqu’aux chevilles,
Ô douleur ! rester là, pâle, sur deux béquilles !…

L’enfant allait au bain lorsque sonnait midi :
Même par un temps calme il était peu hardi
Et quand le vieux baigneur sous les yeux de sa mère
Lui faisait lentement subir la vague amère,
Il tremblait, pris soudain d’un effroi puéril,
Comme un oiseau battu par les grêles d’avril.