Page:Rodenbach - Le Carillonneur, Charpentier, 1897.djvu/111

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quand elle était jointe à la mer. Le Zwyn s’ensabla : la mer se retira. Alors ce fut la ruine et la mort. Mais on ne s’est pas avisé que, maintenant encore, elle n’est distante que de quatre lieues. Les ingénieurs modernes font des miracles. C’est un jeu pour eux de renouveler la communication. On creusera un canal de navigation, des bassins vastes, d’autant plus que, même au XVe siècle, la mer n’arrivait pas jusqu’à Bruges, mais à Damme seulement, puis à l’Écluse. Il exista toujours un canal. Qu’on en rétablisse un, et c’est la ville redevenue un port, par conséquent vivante, fréquentée, riche.

Les autres écoutaient, l’air indifférent, un peu incrédules.

Le vieux Van Hulle, comme s’il sortait d’une rêverie, objecta :

— Port de mer ? Toutes les villes aujourd’hui ont cette manie.

— Soit, répondit Farazyn, mais Bruges, du moins, est encore voisine de la mer et fut déjà un port.

Borluut intervint et, dans sa voix, on sentit une petite impatience. Il interrogea :

— Croyez-vous qu’on recommence un port ou qu’on recommence n’importe quoi ? En histoire, comme en art, l’archaïsme est absurde.

Farazyn ne se laissa pas entamer :

— Les plans sont déjà déposés. Des combinaisons de financiers sont promises. Et l’État interviendra. Nous réussirons.