Page:Rodenbach - Le Carillonneur, Charpentier, 1897.djvu/132

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concentrer sur sa fresque en train, pareil de plus en plus aux béguines parmi lesquelles il travaillait. Quant à Farazyn, depuis son aventure de cœur avec Godelieve, il lui était difficile de se retrouver, chaque semaine, toute une soirée, devant elle. D’ailleurs, il s’irrita de son refus, rompit même avec Borluut, lui imputant, à lui et à sa femme, d’avoir plutôt dissuadé la jeune fille. Il y avait eu des indiscrétions, des racontars, des malignités dénaturant l’affaire.

Borluut s’apparut seul.

Alors, détaché de tous, il retrouva, invincible et plus ardent, son amour de la ville. Au fond, il n’avait jamais vécu que pour ce rêve et dans ce rêve. Parer la ville, la faire belle entre toutes les villes ! Même quand il montait au beffroi, s’exténuait au lourd jeu du carillon, c’était pour l’embellir, la couronner de cette couronne de fleurs de fer. Tous ses travaux de reconstitution et de restauration allaient aux mêmes fins, pour que chaque rue eût sa surprise, son blason de pierre, sa façade ornementée comme une chasuble, ses sculptures mouvementées comme une treille. C’est lui qui avait sauvé de la mort tous ces trésors du passé, qui les avait exhumés du plâtre, du mortier, du badigeon, des briques, du vil suaire de l’ignorance. Il les avait ressuscités. C’est donc comme s’il leur avait donné la vie, les avait créés une seconde fois.

Grand effort ! Clairvoyant génie ! On commençait à s’en rendre compte dans le pays. Par une doulou-