Page:Rodenbach - Le Carillonneur, Charpentier, 1897.djvu/165

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qui jaillissaient comme des pierres, assaillaient Joris, le meurtrissaient jusqu’au cœur. Quoique furieuse, Barbe dirigeait ses coups. Elle trouvait la place sensible, choisissait les offenses et les allusions les plus pénibles. Le bûcher d’Espagne s’allumait. Joris se sentit dans sa colère comme dans du feu, une grande flamme blanche qui montait et que personne n’aurait pu arrêter. Mais cela n’empêcha pas le détail des autres supplices d’inquisition : un vieux reproche coulé comme du plomb fondu dans ses oreilles ; puis un regard de haine soudaine lui enfonçant une aiguille rouge dans les yeux. Cela dura un long temps. Barbe allait et venait par la chambre, comme une flamme vraiment.

Puis sa colère sauvage céda, tomba, s’étant consumée elle-même, et faute d’aliment. Car Joris vite s’était tu, comprenant qu’il ne fallait pas aggraver la scène qui tout de suite aboutirait au pire, toucherait le drame et la mort.

Godelieve, muette, pleine de stupeur, regardait, se sentant dépourvue devant une crise dont elle n’avait même jamais imaginé les excès. Cependant Barbe, à bout de colère et de nerfs, était sortie, faisant claquer la porte, comme à l’habitude, emplissant l’escalier, les corridors, de ses derniers cris, de son pas saccadé décroissant dans le silence.

Joris, brisé, confus, était allé vers la fenêtre qui donne sur le jardin, appuyant son front aux vitres