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III


— Si Dieu avait voulu !

Cette parole de Godelieve, depuis lors, influença Joris, l’obséda, colora l’air devant lui, imagea son sommeil. Plainte du regret inconsolé ! Murmure d’une source qu’on croyait morte ! Cri d’aveu soudain jailli, et qui retentit dans son malheur comme une voix dans un cimetière. La jeune fille avait trahi, d’un coup, le secret de sa vie. Son amour, cru éphémère et de surface, subsistait. Il réapparaissait çà et là comme l’eau des canaux dans la ville.

Joris se rappela les preuves successives : la révélation du vieil antiquaire ; plus tard, la demi-confession de Godelieve, quand lui-même la poussait au mariage ; enfin, maintenant, la phrase échappée, toute décisive, presque instinctive et qui a la sincérité d’un geste.

— Si Dieu avait voulu !

Elle n’était donc point guérie ? Elle serait inguérissable. Il y a des femmes qui aiment jusqu’à la