Page:Rodenbach - Le Carillonneur, Charpentier, 1897.djvu/181

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firent la commande, il ne put s’empêcher d’observer :

— C’est superbe ! Mais qu’est-ce qu’ils vont dire ?

— Ah ! certes, ils seront étonnés. Déjà ils m’avaient donné des conseils. Ils auraient bien voulu des épisodes de Flandre. De la peinture d’histoire, nécessairement. Toujours leurs Matines brugeoises, et leur Breydel et leur Koninck, et leurs Communiers, — tout cela qui est devenu un carnaval, le drame aux héros grimés, le magasin des accessoires, la friperie des siècles, et dont vivent nos mauvais peintres, nos mauvais musiciens, fabricateurs de grandes toiles et de cantates. Il faut laisser à l’Action ce qui fut l’Action. Ainsi on ne pourrait faire qu’une œuvre vulgaire avec l’épisode, pourtant sublime, des gildes et corporations, à la bataille des Éperons d’Or, prenant en main de la terre, mangeant cette terre pour laquelle ils vont mourir.

Ce souvenir achemina Joris et Bartholomeus à parler de la Cause flamande pour laquelle ils s’étaient tant passionnés autrefois, du vivant de Van Hulle. Ils confessèrent que l’élan était fini, l’effort avorté.

Le peintre, lui, avait détourné son esprit de la ville et des autres, pour le vouer tout entier, à son œuvre qui seule, désormais, lui importait.

Et il parla de son art, ainsi qu’on parle d’un amour.