Page:Rodenbach - Le Carillonneur, Charpentier, 1897.djvu/239

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Je sais tout !

Et elle lui montra les bagues, toutes petites, humbles, ayant l’air de demander pardon de leur dénonciation, qui grelottaient dans l’écrin tremblant de sa paume.

À ce moment elle ricana, éparpilla le rire glaçant d’une folle.

Puis elle se retourna vers Godelieve :

— Toi ! va-t’en ! va-t’en ! Je te chasse !

Elle allait la bousculer, la violenter. Joris s’interposa.

Alors la grande colère blanche éclata, fureur d’une mer démontée et qui ne se possède plus, agression de galets et d’épaves, et toute une écume, dont Joris et Godelieve se sentirent blessés, souillés jusqu’à leur âme.

En même temps qu’elle les accablait d’injures, tout à coup elle lança aussi après eux les deux anneaux d’or, comme des projectiles.

— Tenez ! les voilà, vos bagues !

Sa face apparut une débâcle. On aurait dit un visage qui dégèle.

Et elle répétait sans cesse comme un hoquet, un refrain de désespoir :

— C’est ignoble ! c’est ignoble !

Joris et Godelieve demeurèrent muets, n’osant pas une parole pour la calmer, atténuer les choses.

Plus excitée encore par leur silence, furieuse que les bagues n’eussent atteint personne, Barbe s’enco-