Page:Rodenbach - Le Carillonneur, Charpentier, 1897.djvu/330

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nait ; c’est lui qui entraîna la corde, la porta, semble-t-il, au sommet.

Il arriva dans la chambre de verre, jeta des regards distraits sur le clavier, immobile et comme mort, sur l’horloge minuscule, fixée au mur, faisant là son bruit d’humble vie régulière, en accord avec le vaste cadran. Avait-il été lui-même autre chose dans la tour que ce petit battement d’un pouls humain ? Il regarda à peine. Déjà ses yeux étaient occupés ailleurs.

Il venait d’avoir une illumination subite, trouvant enfin les détails de « l’acte », qu’il n’avait pas voulu prévoir, escomptant la dernière minute. C’est en songeant aux cloches, les grandes cloches, qu’il voulait revoir, appeler par leur nom dans les dortoirs, caresser d’un adieu de la main, elles qui furent les amies graves, des puits de consolation, les tombes sûres de ses douleurs.

Si l’une d’elles, maintenant, était la tombe de son corps ? Oui ! il choisirait une des vastes cloches ; il y a un anneau à l’intérieur, tout au fond, où s’attache le battant. C’est là qu’il fixerait la corde, très courte ; ainsi il disparaîtrait tout entier dans le gouffre obscur, où personne ne le découvrirait durant longtemps, ni jamais peut-être. Joie de finir au fond d’une de ces cloches qu’il aima tant !

Laquelle choisirait-il ? Les grandes cloches se trouvaient au dernier étage, à la plate-forme où on accède par un petit escalier final de quelques mar-