Page:Rodenbach - Le Carillonneur, Charpentier, 1897.djvu/44

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Depuis, Van Hulle s’était attiédi. Il recevait encore ses amis, les écoutait parler comme autrefois, remuer des projets vastes, mais sans y participer. Une autre manie l’avait accaparé : il s’était mis à collectionner des horloges. Cela lui arriva de la manière la plus imprévue.

Déjà son métier d’antiquaire l’y prédisposait. Toute sa vie, il avait recherché les bibelots rares, les vieux meubles, les curiosités flamandes ; mais vieilli et las, riche, au surplus, il négligeait ses affaires, ne vendait plus que par occasion à quelque riche amateur étranger qui traversait la ville.

À cette époque, il tomba malade, d’une maladie qui fut longue et suivie d’une convalescence, longue aussi. Lenteur du temps, journées infinissables, subdivisées en tant de minutes qu’il lui fallait compter et pour ainsi dire égrener une à une ! Il s’était senti seul, en proie aux longueurs, aux tristesses de l’heure. Surtout vers le crépuscule qui, dans cette fin d’automne, entrait par les vitres, se posait sur les meubles en tons livides, affligeait les miroirs d’un adieu de lumière…

Van Hulle demandait parfois :

— Quelle heure est-il ?

— Cinq heures.

Et il songeait au long laps qu’il lui faudrait encore vivre, avant la nuit, le bon sommeil où l’on dérive et qui abrège les étapes.

Cinq heures ! Et soudain, il entendait, en effet,