Page:Rodenbach - Le Carillonneur, Charpentier, 1897.djvu/45

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l’heure sonner au beffroi, à voix grave d’officiant parmi les dernières notes du carillon qui tranquillise ses clochettes d’enfants de chœur. Alors il confrontait l’heure du beffroi avec celle marquée au cadran de sa pendule, une petite pendule Empire, sur la cheminée, à quatre colonnettes de marbre blanc, supportant un bref fronton embelli de bronzes dorés aux cous sinueux de cygnes. Dans son inaction, dans ce vide d’existence et de pensée, le malade prit peu à peu l’habitude de s’occuper de l’heure. Il s’inquiétait de sa pendule comme d’une présence. Il la regardait comme un ami. C’est elle qui lui faisait prendre patience. Elle le distrayait par son jeu d’aiguilles, son bruit de rouages. Elle l’avertissait de l’approche des instants meilleurs, ceux des légers repas. Obsédant cadran ! D’autres malades comptent des yeux, machinalement, les bouquets du papier de tenture, les fleurs des rideaux. Lui faisait des calculs sur la pendule. Il y cherchait la journée de sa guérison qui y était déjà, mais vague entre tant d’autres… Il consultait l’heure, il vérifiait l’heure, car souvent un désaccord apparaissait entre sa pendule et l’horloge de la tour.

Quand Van Hulle fut guéri, il garda cette préoccupation de l’heure exacte. Chaque fois qu’il sortait, il réglait sur le cadran du beffroi sa montre que, durant toute sa maladie, il n’avait plus remontée, contrarié presque, s’il constatait un léger avancement ou un minime retard. Sa vie ponctuelle, ses