Page:Rodenbach - Le Carillonneur, Charpentier, 1897.djvu/59

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sourire, en ce quartier de Bruges mémorable où il atténuerait, tout contigu, les élancements abrupts de Notre-Dame qui bondit par blocs à l’assaut de l’air, étage ses contreforts, ses plates-formes, ses vaisseaux, ses arcs-boutants comme des ponts-levis sur le ciel. Ce sont, à l’infini, des accumulations de bâtisses, des entassements, des enchevêtrements, d’où la tour soudain jaillit comme un cri.

À côté du farouche édifice, l’hôtel de la Gruuthuus, quand la restauration en serait terminée, mettrait, du moins, l’atténuation d’une vieillesse plus ornée et amène. On attendait avec impatience l’achèvement de ce travail, car maintenant la ville se passionnait pour ses embellissements. Elle avait compris son devoir, et qu’il fallait s’assurer contre la ruine, consolider sa beauté fléchissante. Un sens d’art, soudain, descendit comme une Pentecôte, éclaira toutes les consciences. L’édilité faisait restaurer ses monuments ; les particuliers, leurs demeures ; le clergé, ses églises. Il y a ainsi un avertissement de la destinée, le signe magique, auquel chacun se met à obéir, sans le savoir, sans comprendre. Le mouvement, dans Bruges, avait été unanime. Chacun contribua à créer de la Beauté, collabora à la ville, qui devint ainsi tout entière une œuvre d’art.

Or, dans cet élan bientôt général, seul Borluut, qui en fut l’initiateur, s’attiédissait un peu. C’est depuis l’époque où il avait été élu maître carillon-