Page:Rodenbach - Le Carillonneur, Charpentier, 1897.djvu/71

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

VIII


Ah ! la vanité de nos plans ! Notre vie s’accomplit d’elle-même. Tout ce que nous combinons minutieusement, à la dernière minute nous échappe ou change.

On suivait une grande route dans la forêt des événements, où il fait toujours soir. On entrevoyait une petite lumière, au bout, qu’on croyait la bonne étape. Et, soudain, on bifurque, on prend un sentier de traverse qui conduit à d’autres vitres allumées. Tout arrive différemment. Et presque toujours c’est la Femme qui nous dirige, embrouille nos chemins selon les lignes de sa main. Notre bonheur ou notre malheur est produit ou empêché par son seul caprice, par l’état de ses nerfs, tel matin ou tel soir…

Toute la vie de Joris se joua en une minute. Il se croyait dans une indécision sans issue. Un seul regard de Barbe fit tout, désormais, résolu et irrémédiable. Un lundi soir, jour des réunions hebdomadaires chez le vieil antiquaire, il vint plus tôt.