Page:Rodenbach - Le Carillonneur, Charpentier, 1897.djvu/80

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soudain périr, s’élança, comme fou, vers Joris, l’étreignit contre sa poitrine, pleurant et riant à la fois, penchant la tête sur l’épaule de son ami, comme sous la surabondance d’un bonheur trop fort et qu’il ne pouvait plus porter. Et il répétait sans cesse les mêmes mots, machinalement, à voix de somnambule :

— Oh ! oui… oui ! ce n’est pas Godelieve… ce n’est pas Godelieve…

Il reprit un peu de calme. Ainsi donc il s’agissait de Barbe. Quel bonheur ! Certes ! certes, il consentait ; il la lui donnait, avec la plus grande joie.

— Ah ! qu’elle vous rende heureux ! Vous qui le méritez si bien ! Mais comment aurais-je pu prévoir ?

Van Hulle devint très pensif. Il se tourna de nouveau vers Borluut :

— Ainsi vous ignoriez donc ? lui demanda-t-il, l’air de croire à peine que ce qui était, était. Vous n’aviez pas deviné que Godelieve vous aimait, l’autre année ? Elle a tant souffert, la pauvre ! Elle s’est sacrifiée pour moi. Maintenant, c’est fini… Mais Barbe, est-ce qu’elle vous aime à son tour, est-ce qu’elle vous l’a dit ?

Borluut acquiesça.

Alors le vieil antiquaire demeura confondu. Comment cela avait-il pu arriver ? Les deux sœurs s’étaient mises, l’une après l’autre, à aimer Borluut… C’était naturel, après tout. Elles voyaient peu de