Page:Rodenbach - Le Carillonneur, Charpentier, 1897.djvu/86

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de béguines, troupeau raréfié sans cesse, autour de la Grande-Dame. Elles n’occupaient que quelques-uns des couvents — aux volets blancs et verts, aux façades couleur de la pluie — sans qu’on pût distinguer lesquels, ni ceux qui étaient vides, à cause des vitres également miroitantes, et si discrètes, se bornant toutes à réfléchir les ormes du terre-plein, la chapelle d’en face, à être les fidèles miroirs de l’enclos.

Aussi les Hospices, à défaut de béguines, louaient les logis à des laïcs, à quelques vieillards. Bartholomeus avait eu l’idée d’installer là son atelier. C’était un vrai petit cloître que cette demeure aux murs couverts de lait de chaux. Il ne lui fallait guère de grande pièce, puisque, à défaut des travaux de décoration, introuvables jusqu’ici, il s’était résigné et confiné dans des tableaux de chevalet, des toiles intimes, qu’il élaborait lentement, harmonisait, perfectionnait à l’infini, pour la seule joie de l’œuvre. Nulle préoccupation de vente ou désir de plaire. Il avait un peu de rentes, de quoi vivre simplement, et s’en contentait. Ici le travail était fécond. Une lumière juste, une de ces vibrantes lumières du Nord — où le soleil devient d’argent à travers on ne sait quelle gaze grise — entrait par les fenêtres. Et tant de solitude, une atmosphère si muette ! Bartholomeus travaillait au bruit de quelques rares cantiques psalmodiés à Laudes par le ponctuel chœur de béguines. Il les surprenait, quand elles rentraient une à une dans