Page:Rodenbach - Le Foyer et les Champs, 1877.djvu/16

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Les flèches des temples gothiques
Se perdent dans le ciel profond,
Pareils aux palais fantastiques
Qu’en volant les nuages font.

Les longs arbres aux branches vides
Sont tout poudrés et rajeunis,
Ils se croient au printemps, avides
De frissons d’ailes dans les nids ;

Et les plantes entrelacées
Aux arabesques des balcons,
Semblent de pâles fiancées
Dans le voile de leurs flocons.

La lune derrière la neige
Se cache avec un air frileux,
Comme un cygne qui se protège
Sous son duvet blanc et moelleux.

— Noir géant que la bise effleure,
Au sein de l’ombre, le beffroi
Frémit en faisant tinter l’heure,
Comme si lui-même avait froid !

Aux vitres des salons d’orgies
Les maigres orphelins, soufflant
Dans leurs petites mains rougies,
Viennent mendier en tremblant…