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Amour Vrai.

Trouverai-je jamais des mots qui la peindront ?
Coppée.


Ce jour sera peut-être un grand jour dans ma vie !

Nous étions en pleins champs. La fleur était ravie
De voir des amoureux marcher sur le chemin,
Côte à côte, à pas lents, et la main dans la main.
Je me taisais : pourtant j’avais tant à lui dire :
Quand je la regardais, ne sachant que sourire,
Et sentant un désir vague de l’embrasser
Si par d’étroits sentiers nous venions à passer.
Elle allait, sautillant à l’ombre des ramures ;
Sa lèvre mince avait l’éclat des fraises mûres,
Son œil noir reluisait comme un charbon ardent,
Et ses cheveux d’ébène, agités par le vent,
Flottaient comme une frange autour de son front pâle.
Sa voix souffrante avait le tremblement du râle,
Car elle pressentait, triste, effeuillant des fleurs,
Qu’un jour il finirait peut-être dans les pleurs