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Page:Rodenbach - Le Règne du silence, 1901.djvu/20

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LA VIE DES CHAMBRES.

Chambres qui sont tantôt bonnes comme une sœur,
Puis accueillent tantôt avec des yeux hostiles,
Quand on trouble leur rêve au fil nu du miroir,
Leur rêve d’Ophélie au miroir d’eau dormante !

Elles ont une vie étrange qui s’augmente
Des souvenirs que les vieux portraits dans le soir
À leur front d’Ophélie, en guirlandes fanées,
Vont effeuillant dans le miroir languissamment,
Souvenirs presque plus roses d’autres années !

Chambres pleines de songe ! Elles vivent vraiment
En des rêves plus beaux que la vie ambiante,
Grandissant toute chose au symbole, voyant
Dans chaque rideau pâle une Communiante
Aux falbalas de mousseline s’éployant
Qui communie au bord des vitres, de la lune !
Et voyant dans le lustre une âme de cristal
Qui crispe au moindre heurt ses branches une à une,
Sensitive de verre à qui le bruit fait mal.