Page:Rodenbach - Le Règne du silence, 1901.djvu/86

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Rêves en léthargie, embryons de pensées
Trempant dans une eau morte, aux pâleurs nuancées,
Qui se peuple comme un beau songe d’opium :
Écailles reluisant, nageoires remuées,
Mais dont l’élan se brise aux si courtes parois ;
Désirs s’évertuant sur des minéraux froids ;
Fourmillement visqueux de formes engluées
Et d’espoirs indécis, souffrant d’être captifs,
Qui se crispent dans les varechs aux mailles noires.
L’eau glauque se dilate en d’argentines moires
Quand s’agite un des mille êtres végétatifs ;
Remuement éternel dans cette eau nonchalante
Que la maligne ardeur des bêtes violente,
— Ombres aux contours nets qui viennent, puis s’en vont…
Aquarium du cœur, menteuse somnolence
Que tant de cauteleux mauvais désirs défont.

Ah ! Comment devenir un bassin de silence
Et comment devenir, par quel renoncement,
Un aquarium nu, vidé de son tourment :