Page:Rodenbach - Les Tristesses, 1879.djvu/111

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Ah ! pauvre Petit-Pierre ! il faudra qu’il s’échine
Et travaille au milieu de gamins querelleurs.
On veut de lui des fruits dans la saison des fleurs !
Parce qu’un père est lâche et proche la misère,
Jeune plante ! on la met dans une chaude serre ;
Mais la tige est trop frêle et fléchira bientôt.

On le voyait passer chaque matin plus tôt
Qu’il ne partait jadis pour aller à l’école ;
Il n’avait plus sa grâce et sa gaîté frivole ;
Laissant, sans les guetter, voler les papillons ;
Maigre, presque honteux sous de sales haillons,
Ayant une toux sèche et creuse comme un râle,
Chaque jour plus débile et chaque jour plus pâle
Et songeant — les regards fixés sur ses sabots
Où s’écorchaient ses pieds dans des bas en lambeaux —
Au bon temps de jadis quand il pouvait apprendre,
Et que le peuple heureux et fier venait le prendre
Pour lui faire un cortège et lui battre des mains,
Tandis qu’avec ses prix il passait ces chemins !…

Le soir, à l’heure calme où tout se tranquillise,
Il entrait quelquefois dans une vieille église
Aux bleus vitraux desquels le soleil qui s’endort