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IV

Petit-Pierre mourut… On ne vit pas ainsi !
L’enfant dans le soleil doit courir sans souci.
C’est un doux rossignol qui dépérit en cage.
Comme il faut à l’oiseau la brise et le bocage,
Il faut à lui, pour vivre et pour s’apprivoiser,
Le matin un sourire et le soir un baiser,
Le calme du foyer tranquille comme un temple
Et l’honneur des parents qui lui serve d’exemple.
Mais dès qu’on veut priver l’enfant d’un de ces soins,
Dés qu’on veut le contraindre ou dés qu’onl’aime moins,
Dés qu’un de ces bonheurs, qui sont sa nourriture,
Échappe à sa candide et fragile nature,
Il s’affaisse, il pâlit, il se meurt, il est mort !
On tua Petit-Pierre et nul n’eut un remord :
L’enfant peut dépérir pour celui qui s’enivre,
Le droit de le tuer prime son droit de vivre,
Car c’est le droit du père, — un droit auguste et beau !… —
De le mettre à l’usine, ou plutôt au tombeau,