Page:Rodenbach - Les Tristesses, 1879.djvu/13

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Grimper sur les genoux des parents, chaque soir,
Lorsqu’autour d’un bon feu d’hiver on vient s’asseoir ;
Et toi, venant de naître et déjà prompt à vivre,
Tu liras, dans un coin de la chambre, un vieux livre
Dont le récit touchant fera perler tes pleurs
Sur les feuilles jaunis où sèchent quelques fleurs !…

Homme, tu chercheras avec une âpre envie
Le côté douloureux des choses de la vie,
Ne voyant dans les flots grondants que des récifs,
Et sous les arbres verts arrondis en massifs
Que des caveaux veillés par des croix sépulcrales !…

Ton cœur, comme le sourd tocsin des cathédrales,
Ébranlant la charpente osseuse de ton corps,
Jettera dans les vents ses lugubres accords ;
Mais la foule, aimant mieux les folles sonneries
Dont de vils histrions parsèment leurs féeries,
N’entendra même pas ta voix dans ces rumeurs !…

Alors, las de pousser d’inutiles clameurs,
Tu quitteras la foule, exilé volontaire,
Et, comme le banni qui marche solitaire