Page:Rodenbach - Les Tristesses, 1879.djvu/14

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Sur le sable brûlant traîne l’ombre après lui,
Tu traîneras partout un incurable ennui.

Le silence calmant des grands bois, pour une heure
Peut-être apaisera la plainte intérieure,
Mais elle renaîtra, le soir, quand les sillons
S’empliront du cri-cri douloureux des grillons,
Et que le soleil rouge et flambant de lumières,
Jetant sur les petits carreaux verts des chaumières
Une lueur qui semble une larme de sang,
Drapera dans la nuit son spectre éblouissant !…

Comme lui tu verras mourir tes rêves roses ;
Tu sentiras en toi la tristesse des choses
Descendre ; les épis blonds et lourds de sommeil
Gronderont vaguement comme un manteau vermeil
Que le vent orageux froisse au choc de son aile ;
L’eau fuira dans les joncs d’une fuite éternelle
Blanche comme ton rêve et vague comme lui !…

Et quand la lune au ciel vespéral aura lui
Avec ce fin sourire indulgent des aïeules,
Si tu vois, le long des buissons ou près des meules,