Page:Rodenbach - Les Tristesses, 1879.djvu/61

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Jusqu’à ce que je sois libre et seul en pleins champs.
Alors je goûte en paix la splendeur des couchants :
Le soleil, dont la sphère opaque est agrandie,
Inonde l’horizon d’un reflet d’incendie,
Et les carreaux lointains des fermes sont en feu.

Dans le ciel, quelques blancs nuages sur fond bleu :
On croirait voir un golfe où courent quelques voiles
Qui pour falots vont vite allumer les étoiles.

Un calme solennel s’étend : les arbres verts
Paraissent noirs sur les horizons encor clairs ;
Là-bas un paysan s’estompe dans la brume,
En manches rouges, sur son petit champ qu’il fume.

Fredonnant d’une voix rauque, des bateliers,
Sur le chemin que borne un rang de peupliers,
Jettent pour aborder un branlant pont de planches.
Les vaches aux poils roux plaqués de taches blanches,
Quittant à regret l’herbe et les trèfles fanés
Et beuglant tout le long des sentiers contournés,
Sous le fouet des gamins gagnent les métairies.
De fluides vapeurs flottent sur les prairies ;
Le vol des moucherons agace les roseaux ;