Page:Rodenbach - Les Tristesses, 1879.djvu/74

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Elle devint bien vite avec lui moins farouche :
Ils prirent, prés du Pont-Royal, le bateau-mouche
— Les dimanches suivants — pour aller à Meudon ;
Et dans les bois ombreux, peuplés de jeunes pousses,
Elle chantait gaîment des romances très douces,
S’appuyant à son bras dans un tendre abandon.

Perdant l’austérité de ses pudeurs anciennes,
Elle laissait ses mains s’oublier dans les siennes
Quand ils allaient dîner à Saint-Cloud ou Neuilly,
Et qu’au retour, le soir, à travers les bagarres,
Dans l’ombre des tunnels qu’étoilaient les cigares,
On s’embrassait derrière un gros bouquet cueilli,

Marthe ne doutait pas qu’il ne tînt sa promesse
Et qu’il ne la menât tôt ou tard à la messe
Qu’on dirait à l’autel pour bénir leur hymen ;
Elle était confiante, ignorant le mensonge,
Et dans son cœur naïf caressait ce doux songe
D’épouser le jeune homme après son examen.

Au bout de quelques mois, comme elle était enceinte,
Elle annonça la chose à son amant sans crainte ;
Car ne s’étaient-ils pas mariés devant Dieu