Page:Rodenbach - Les Tristesses, 1879.djvu/86

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Ils commencent à bégayer
Des phrases qui sont des ébauches ;
Eux-mêmes semblent s’égayer
De leurs essais tendrement gauches.

Ils ont d’imperceptibles mots
Qui sont pareils aux fraîches notes
Dont se servent dans les rameaux
Les pinsons causant aux linottes.

Puis leur langue obéit soudain
Et dés lors s’agite et babille,
Quand on les lave, le matin,
Le soir, quand on les déshabille.

Ce sont des questions sans fin :
« Quel est ce fruit ?… quel est ce livre ?…
« Pourquoi la soif, pourquoi la faim ?…
« Pourquoi l’été, pourquoi le givre ?…

« La lune, pourquoi l’accrocher
« A ce ciel qu’on ne peut atteindre ?
« C’est sans doute pour empêcher
« Que les enfants n’aillent l’éteindre.